EGLISE ORTHODOXE logo du diocèsePATRIARCAT de MOSCOU

DIOCESE DE CHERSONESE
HISTOIRE
--------------------------------------------------

LA FONDATION DE LA PAROISSE DES TROIS SAINTS HIÉRARQUES :
les fondements théologiques et spirituels du retour à l’Icône.

 
        C’est dans ce contexte que fut prise par les Chrétiens de l’Ouest, en Janvier 1930, « sans consultation des principaux intéressés – l’Eglise Orthodoxe en URSS et les Eglises russes de la diaspora  », une initiative, certes pleine de bonnes intentions, mais particulièrement malheureuse. Le pape Pie XI annonça le lancement par le Vatican d’une « croisade de prières » pour les victimes des persécutions. Le monde chrétien tout entier devait s’y associer, « y compris cette partie qui ne se trouve pas soumise à son autorité », entendant par là les Protestants, les Anglicans et les Orthodoxes eux-mêmes.

        «  Nous devons prêter une attention particulière à la question de l’aide à l’Eglise russe souffrante, écrivait alors Kyrill Schevitch, commentant ces évènements. Il faut faire preuve à cet endroit d’une très grande prudence afin d’éviter que nos actions ne fournissent des armes supplémentaires aux persécuteurs qui essayent de prouver par tous les moyens que l’Eglise sert des buts politiques et non religieux, qu’elles a noué des liens indestructibles avec l’ancien régime.  »

        En février, « devant répondre à ce sujet à une question aussi directe que maladroite de journalistes étrangers, le métropolite Serge déclara entre autre que l’Eglise n’était pas persécutée en URSS ( par la suite le métropolite Euloge devait d’ailleurs qualifier cet acte «d’abnégation héroïque» ) et qu’elle n’avait besoin de l’intervention ni du Pape de Rome ni de l’Archevêque de Cantorbéry. (…) Quatre jours après cet interview, cependant, le métropolite Serge présentait un long mémorandum au chef de la commission religieuse énumérant les griefs de l’Eglise envers l’Etat et demandant l’arrêt de certaines pratiques hostiles ou injustes.  » A l’occasion de la diffusion de cet interview, le métropolite Euloge exprima malgré tout une violente indignation.

        L’opinion européenne, tout à fait inconsciente de la complexité et de l’horreur de la situation, pensait aider l’Eglise russe par ses protestations publiques. Aussi toutes sortes de meetings furent-ils organisés dans ce but, d’abord à Paris par les protestants, puis à Londres. Conscient des visées nettement politiques poursuivies parallèlement par ces meetings ,  le métropolite Euloge commença par refuser d’y participer. Mais, sous la pression des Anglicans, il finit par se rendre à Londres et non seulement participa aux réunions mais prononça un discours, ce qui fut largement diffusé par la presse. C’est en effet par les journaux que le métropolite Serge l’apprit. Aussi, en avril 1930, lui adressa-t-il une lettre pour lui demander si tout cela était vrai et si oui, comment le concilier avec l’engagement pris plus tôt.

        A la réception de la réponse du métropolite Euloge, « le métropolite Serge considéra ses justifications concernant les manifestations londoniennes, « pour chacun tant soit peu au courant de la véritable attitude des milieux sociaux anglais envers l’Union Soviétique, comme plutôt naïves et trop inattendues pour être prises au sérieux  ». Avec son Synode patriarcal, le métropolite Serge, par décret du 11 Juin 1930, relevait le Métropolite Euloge de ses fonctions et confiait à l’archevêque Vladimir (Tikhonitsky) l’administration provisoire des Eglises russes en Europe Occidentale.

         L’archevêque Vladimir refusa et déclara que ni lui ni son clergé n’obéirait à sa décision. Il y eut ensuite une réunion du Conseil diocésain, puis une assemblée diocésaine . On prétendait cependant ne pas rompre « le lien canonique spirituel avec l’Eglise orthodoxe pan-russe, notre Mère ». Comme les Karlowciens, et en contradiction avec l’attitude précédente du métropolite Euloge, on considéra comme compatibles l’appartenance à une Eglise locale, la reconnaissance de sa hiérarchie, et la désobéissance à cette même hiérarchie. « Dans nos conditions, expliquait le métropolite Euloge, la parution de ce décret signifie une rupture de fait des relations normales de notre diocèse avec le pouvoir ecclésiastique suprême de Moscou et l’impossibilité de recevoir de celui-ci des manifestations libres de sa volonté ». « L’abstention de politique exigée par le métropolite Serge était expliquée comme un acte politique, non pas nécessaire à l’Eglise, mais utile à l’Etat ».  Les six personnes qui refusèrent d’abandonner l’Eglise Patriarcale étaient cinq membres de la Confrérie dont Vladimir Lossky, Eugraphe et Maxime Kovalevsky  ainsi que madame Kallache. Leur motivation pouvait se formuler de cette manière : comment quitter l’Eglise alors qu’elle était sur la Croix ?

        « Plus tard, le métropolite Eleuthère de Vilno devait caractériser les dernières années précédant 1930 comme une politisation progressive du diocèse du métropolite Euloge. Ce dernier, d’après lui, ne pouvait se dégager du courant mondain, non ecclésiastique, qui l’entraînait petit à petit sur la voie a-canonique ; personnellement le métropolite « souffrait beaucoup, en luttant dans son âme contre la force de ce courant ; mais spirituellement affaibli, ne trouvant pas en lui-même de forces pour faire face à cette pression, il s’engagea dans la voie du détachement de l’Eglise Mère ». (…) En effet, l’assemblée de Juin 1930 fut marquée par une nette politisation. (…) Dans l’esprit de la majorité des participants, il ne fallait pas craindre la politique : toute manifestation publique était politique, disaient-ils, il ne suffit pas de prier… «Toutes les considérations de caractère ecclésiastique et canonique ne sont, dans la question présente, qu’une forme, une enveloppe extérieure. (…) La politique – c’est la vie de nos jours et on ne peut pas s’en départir.  »

        Sur ce problème, Kyrill Schevitch écrivait un peu plus tard : « La lutte pour l’avenir de la Russie est sur deux voies : religieuse et politique. Ces voies, quoique contiguës, sont en de nombreux points, totalement différentes. Ce qui dans un cas est l’expression de la force et de l’intensité maximum de la lutte, peut, dans un autre cas, être faiblesse, capitulation et compromission. Les lois de la lutte spirituelle, clairement indiquées dans les Saintes Ecritures (par exemple dans l’épître de Saint Paul aux Ephésiens) et dans les œuvres des Saints Pères, et confirmées par l’expérience séculaire de l’Eglise, sont souvent totalement inapplicables dans le combat politique et inversement. La confusion de ces deux voies a provoqué maintes fois dans l’histoire, des conflits et des incompréhensions tragiques ; ces derniers existent aussi actuellement .  »

        Mais le métropolite Euloge écrivit au Patriarcat en répétant les mêmes arguments. Le métropolite Serge répondit par le décret du  26 Décembre 1930, confirmant le décret du 10 Juin et déclarant l’Administration diocésaine dissoute. Les six personnes qui avaient malgré tout suivi la voie canonique étaient confiées au métropolite Eleuthère de Vilno.

        Monseigneur Antoine Bloom commente ainsi ces évènements : « L’Eglise a du louvoyer pour survivre mais elle n’a jamais trahi sa vocation. Monseigneur Euloge, lui, a cédé aux pressions de son entourage. Mais il n’a demandé la protection canonique de Constantinople que dans l’idée de reprendre, dès qu’il le pourrait, des relations normales avec l’Eglise Patriarcale. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait en 1945, et il est mort, conformément à ses vœux, dans le sein de son Eglise Mère. Dans un entretien privé, il a d’ailleurs dit ceci : « Eux, leur voie est directe ; la nôtre est courbe. Mais nous nous dirigeons vers le même point.  »


 
Retour .
Copyright

2003-2004


28/08/2003