EGLISE ORTHODOXE logo du diocèsePATRIARCAT de MOSCOU

DIOCESE DE CHERSONESE
HISTOIRE
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LA FONDATION DE LA PAROISSE DES TROIS SAINTS HIÉRARQUES :
les fondements théologiques et spirituels du retour à l’Icône.


La fondation de la paroisse des Trois Saints Hiérarques

         Le 3 Janvier 1931 l’administration diocésaine de l’Europe Occidentale (le Métropolite Euloge) reçut un décret du Patriarcat de Moscou déclarant que la Confrérie St Photius et toute son activité dépendaient dorénavant directement de Moscou et le 6 Janvier parvint le décret interdisant le Métropolite Euloge et nommant à sa place le Métropolite Eleuthère, Exarque en Europe Occidentale. La paroisse française et le père Lev Gillet restèrent avec le métropolite Euloge et la Confrérie Saint Photius abandonna provisoirement les affaires Occidentales. Elle devait  alors se consacrer à la reconstitution d’une Eglise Patriarcale canonique à Paris. Durant le grand carême de 1931, le métropolite Eleuthère vint à Paris plusieurs fois et célébra dans un appartement privé. Puis on trouva un local, au numéro 5 de la rue Pétel, qui fut consacré à Pâques de la même année.

5, rue Pétel, années 1950
        Le petit groupe qui avait réagi dès Juin 1930, fut très vite rejoint par de nombreux fidèles dont d’autres membres de la Confrérie, un évêque, des prêtres. L’évêque était Monseigneur Benjamin Fedtchenkov, les prêtres, les hiéromoines Athanase Netchaev, Seraphim Rodionov et Stéphane Svetozarov, les pères Stéphane Stefanowsky, Basile Zakanjevitch, Michel Belsky, Dimitri Sobolev, Vsevolod Palachkowsky, les diacres Euthym et Nicolas Chepelevski..… Parmi les laïcs se trouvaient, entre autres, Madame Kallache, la dame mentionnée plus haut, Vladimir Lossky, Vladimir Iljine, Michel Zimine, Kyrill Schevitch et le futur métropolite Antoine, Andreï Bloom…

Mgr Benjamin (Fedtchenkov)        Laissons la parole au métropolite : « Nous étions sans aucune illusion. Nous savions que le Patriarcat était prisonnier et qu’il n’avait la liberté ni de dire ni de faire ce qu’il voulait, mais qu’à l’intérieur de ces conditions limitées et pénibles, au de là de ce que nous savions, ils étaient fidèles à leur foi.  » « Cette séparation d’avec l’Eglise Patriarcale nous donnait l’impression d’une trahison, que les martyrs avaient étés rejetés. Monseigneur Benjamin, évêque de Sébastopol, auparavant assistant du métropolite Euloge, qui avait été chapelain général des Armées Blanches, interrogé un jour en ces termes par un journaliste : « Comment vous, qui êtes un Russe Blanc, pouvez-vous appartenir à une Eglise rouge ? » répondit : « D’abord, l’Eglise n’est pas rouge ! Ensuite, si ma mère était devenue une prostituée, je ne la renierais pas – et l’Eglise russe n’est pas devenue une prostituée, elle est devenue martyre » !

Père Athanase (Netchaïev)        « En ce qui me concerne, poursuit le métropolite, la première impression fut décisive. C’était en 1931. Cette période me rappelle les propos d’un vieux berger roumain  : « Le temps est révolu où nous avions des prêtres de bois et des calices d’or. Maintenant, c’est aux calices d’être de bois, car les prêtres sont d’or ! ». J’étais venu pour voir. Je suis arrivé trop tard, quand l’office était déjà fini. L’Eglise était dans un sous-sol obscur, éclairée seulement par la lumière des veilleuses. J’ai vu devant moi, monter lentement les marches, un moine que je ne connaissais pas, dans un état de sérénité et de concentration totale. Je lui ai dit : « Je ne sais pas qui vous êtes, mais je veux que ce soit vous mon Père Spirituel ! » C’était le Père Athanase Netchaev. Et c’est lui qui, jusqu’à sa mort prématurée en 1943, fut mon Père Spirituel. »
         « Il était moine de Valaam. Il venait d’une famille pieuse. Il avait étudié au Séminaire et en était sorti dégoutté de la théologie. Il avait travaillé comme ouvrier de chemin de fer. Ramené à la foi par les Baptistes, il avait décidé de prendre connaissance de la confession dans laquelle il avait été baptisé et s’était rendu pour cela au Monastère de Valaam. Là, il avait rencontré un vieil homme, ouvrier dans le monastère depuis cinquante ans, qui avait perdu une jambe dans ce travail. Il vivait solitairement quelque part sur le territoire du monastère et n’avait jamais fait profession. Le jeune homme l’interrogea : « Pourquoi n’êtes vous pas encore devenu moine, vous qui vivez ici depuis si longtemps ? » Le vieil homme répondit : «  Voilà, je n’ai pas encore appris à pleurer sur les souffrances du monde entier ! ». Dans ses mémoires, le Père Athanase dit : « A ce moment-là, j’ai compris ! » Cela même qui avait empêché ce vieil homme de devenir moine, fut, pour  Père Athanase, la raison décisive de le devenir. Lorsque l’Institut Saint Serge fut fondé en 1924, le monastère l’envoya étudier la théologie à Paris. Au moment du schisme, il rejoignit le petit groupe resté fidèle à l’Eglise Patriarcale. C’est lui qui fut le premier recteur de la paroisse   ». « C’était un homme remarquable, d’une absolue simplicité, poursuit le métropolite ; il vivait de rien. J’ai reçu un jour une lettre d’une dame de Russie qui l’avait connu lorsqu’il était encore jeune homme. C’était le début de la période bolchevique, tout le monde était pauvre et affamé. Le père Athanase est arrivé un jour chez elle avec un plus pauvre encore, en disant : « Voilà, je vous amène un pauvre à nourrir ! ». Cette dame qui vivait avec sa fille avait à peine de quoi survivre pour elles deux. Consternée, elle lui dit : « Mais nous n’avons qu’un peu de pain ! – Parfait, répondit-il, alors nous pouvons le partager !  ». Lydia Ouspensky, de son côté, rapporte que le Père Athanase, alors recteur de la rue Pétel, avait l’habitude de donner tout ce qu’il possédait. Il faisait même plus : il avait souvent emprunté de l’argent, et lorsqu’il est mort, ses débiteurs espéraient  le récupérer. Mais on n’a pas trouvé un seul sous chez lui. Il empruntait  dans le seul but de donner, comme St Jean le Miséricordieux.

L'ancienne égliseC’est le même esprit de simplicité évangélique qui animait tous les fondateurs de la paroisse. Il fallait de tels hommes pour s’adapter à la situation : on était « d’une pauvreté inouïe ». Dans le local contigu à l’église, outre la partie réservée au clergé, vivaient quelques moines, et l’on appelait alors l’église « la Communauté  des Trois Saints Hiérarques ». L’émigration en général était pauvre, mais le petit groupe l’était encore bien plus. L’église avait été installée en sous-sol, dans une ancienne fabrique de bicyclettes.  « L’iconostase était en bois blanc, raconte le métropolite Antoine, les icônes en papier. La communauté vivait exclusivement de ce qu’on laissait à manger et de quelques sous que les paroissiens, presque tous impécunieux, laissaient à la quête. On avait installé à l’entrée de l’église une boite en carton dans la quelle les paroissiens déposaient des restes de nourriture. Un jour, j’ai trouvé l’évêque Benjamin couché dans le couloir de l’église, roulé dans sa mante, à même le sol. « Mais qu’est-ce que vous faites-là, monseigneur ? », lui demandai-je. L’évêque répondit : «  Que voulez-vous !…  J’ai un clochard sur mon sommier, un clochard sur mon matelas, un troisième sur le tapis…Je n’avais plus de place pour moi-même, alors, je me suis installé ici !  »

        La préparation de l’église en vue de sa consécration fut laborieuse. Chacun apportait ce qu’il trouvait ou ce qu’il avait chez lui. Quelqu’un amena même Chaliapine photographié dans le rôle de Boris Godounov. Il y avait des discussions sans fin pour savoir ce qu’on pouvait mettre dans l’Eglise ou non, si il suffisait que quelqu’un ait prié devant une représentation pour qu’elle soit considérée comme une icône. Le Père Athanase, qui habitait à côté de l’église, s’éclipsait et revenait quand la querelle était finie.  Il fallait absolument trouver une vraie icône sans laquelle il aurait été impossible de célébrer. On découvrit chez un antiquaire une grande icône de la Mère de Dieu Iverskaïa, celle-là même qui bénit encore aujourd’hui la paroisse par sa présence, mais elle valait une fortune. Une dame, Nadejda Sobolev , vendit ses émeraudes, l’icône intégra l’église et l’on put célébrer pour la semaine Sainte et Pâques comme il fallait . L’église, conformément à la théologie de la Confrérie Saint Photius, avait une double dédicace, d’une part elle était consacrée aux Trois Saints Hiérarques, pour exprimer la fidélité à l’Orthodoxie universelle, et d’autre part à Saint Tikhon de Zadonsk, pour souligner que cette fidélité s’accomplissait dans le sein de l’Eglise russe. Il y avait deux autels consacrés, à cause des deux dédicaces, mais aussi pour pouvoir célébrer deux liturgies le Dimanche. Cela fut repris, bien qu’incorrect, – car il ne peut y avoir qu’une seule liturgie par église, ce dont on ne prit conscience que plus tard – dans le nouveau bâtiment construit en 1958, sur l’emplacement de l’ancien.

        A l’époque, le chœur était dirigé par Rodionov, un musicien de grand talent qui pratiquait une musique très traditionnelle.

        C’est en entrant, peut-être à la fin de 1931, dans cette église et en entendant ces chants que Léonide Alexandrovitch Ouspensky reçut l’impression décisive qui le convertit à l’Orthodoxie et c’est le Père Athanase qui le reçut dans l’Eglise. « Une fois, par hasard, raconte Ouspensky, – je m’en fichais pas mal, j’étais incroyant, complètement, – j’entrai dans l’église un soir, en passant, comme ça. Il y avait un très bon chœur rue Pétel, (c’était bien avant la guerre) et le chœur chantait des mélodies anciennes ; dans un coin, juste en face de moi, il y avait une icône, du 19ème, mais une icône traditionnelle. Alors voilà, j’entends ce chant-là, je regarde l’icône, j’étais ahuri, complètement. Je vois tout à fait la même structure, les mêmes phrases, les mêmes mouvements, les mêmes lignes ; cela m’a frappé terriblement, c’était épouvantable . »
 
 


 
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22/11/2003