EGLISE ORTHODOXE logo du diocèsePATRIARCAT de MOSCOU

DIOCESE DE CHERSONESE
HISTOIRE
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LA FONDATION DE LA PAROISSE DES TROIS SAINTS HIÉRARQUES :
les fondements théologiques et spirituels du retour à l’Icône.


L’Orthodoxie occidentale

        Durant les années 30, la Confrérie déploya une activité intense, sur tous les plans de la vie de l’Eglise. C’est l’époque des réunions chez Berdiaev et chez Jacques Maritain, auxquelles participaient les Confrères et d’autres membres de l’Eglise Patriarcale. Chaque Confrère explorait  le christianisme occidental dans son domaine de prédilection, qui la théologie et l’histoire, qui l’ecclésiologie et la liturgie, qui l’icône et les Saints, ou la musique. Il y avait sans cesse des conférences, tenues par l’un ou l’autre des Confrères ici ou là, comme une célèbre communication d’Eugraphe Kovalevsky sur l’histoire de l’Eglise prononcée chez Maritain, que l’on voulut publier mais dont les quelques notes étaient inutilisables et qui avait été presque entièrement improvisée. Léonide Zouroff, parlant de son ami Krug, décrit bien l’atmosphère de cette période : « Presque chaque jour ils se rencontraient quelque part, vivaient dans un état d’excitation, dans une atmosphère échauffée, réfléchissant et approfondissant les questions d’Eglise. C’est dans un tel milieu, intellectuellement échauffé, que Georges Ivanovitch vivait alors. La nuit, il peignait. Sa mère se lamentait de cela, mais ne pouvait rien faire. Il peignait et ensuite détruisait. A cette époque, avant guerre, il vivait avec une extrême acuité. Il disait que l’art contemporain était arrivé à une impasse, qu’il n’y avait plus d’issues, que cela ne valait pas la peine de travailler, et ceci avec des dons exceptionnels, une finesse démesurée. Il affirmait que seulement dans l’art religieux se trouvait le salut. »

        C’est à cette époque, que fut reçue dans l’Orthodoxie la communauté de Monseigneur Winnaert. «Trois éléments fort différents d’envergure et de signification ecclésiastique, écrit V. Lossky, durent se rencontrer à un moment donné sur un point commun d’activité, pour que l’Orthodoxie occidentale devienne une réalité dans la vie de l’Eglise. Ces trois éléments furent : le mouvement catholique-évangélique de Monseigneur Winnaert, la Confrérie Saint Photius et, finalement la patriarchie de Moscou ; fermentation des Chrétiens occidentaux en quête de la vraie tradition de l’Eglise d’une part, la thèse de l’Orthodoxie occidentale proclamée par nous d’autre part et, comme couronnement, la compréhension profonde et la clairvoyance du Béatissime Serge de Moscou, qui prêta à cette intention des Occidentaux les formes ecclésiastiques et transforma notre thèse en un fait réel de la vie.  »

        Le Patriarche Serge de Moscou promulgua à cette occasion le fameux décret du 16 Juin 1936  par lequel il acceptait Monseigneur Winnaert dans la communion de l’Eglise Patriarcale, décret abondamment commenté à l’époque et que les spécialistes s’accordent à considérer comme un modèle d’équilibre et de discernement. Avec cet évènement tout le projet de la Confrérie trouvait à la fois accomplissement et confirmation. Le Patriarche Serge écrivait le 25 Août 1939 à Vladimir Lossky : « Il est impossible de ne pas accueillir chaleureusement vos efforts en vue d’un apostolat auprès des non-orthodoxes. (…) Le travail missionnaire serait confié à la Confrérie qui a été fondée pour étudier l’hétérodoxie et pour sensibiliser les Occidentaux à l’Orthodoxie. J’entends par là que c’est la Confrérie qui sera chargée de la majeure partie du travail préparatoire : les négociations avec les groupes souhaitant se joindre à l’Eglise Orthodoxe et la mise en œuvre des démarches nécessaires. (…) L’approbation de ces démarches et leur mise en pratique, de même que l’examen des croyances et la réception de ces convertis dans l’Eglise est du ressort de la hiérarchie. (…)

        Le rite occidental qui est admis chez nous doit être admis comme une première expérience, d’ailleurs faite d’une façon plutôt hâtive, et qui, par conséquent, n’exclut nullement, ni de nouvelles expériences ni des rectifications. (…) En d’autres termes, la rédaction actuelle du Service Divin orthodoxe occidental  ne peut-être considérée ni comme définitivement fixée, ni comme la seule possible. (…)

        L’usage parallèle de deux éditions du Service Divin, et en particulier de la Liturgie, ne contredirait pas la Tradition ecclésiastique : en effet, dans notre Eglise Orientale, à côté de la liturgie de Saint Jean Chrysostome, nous nous servons également des liturgies de l’Apôtre Jacques et de Saint Basile le Grand. Il faut seulement que cette nouvelle version ne soit pas, pour ainsi dire, forgée de toutes pièces, mais qu’elle relève clairement d’une authentique Tradition de l’Eglise : Gallicane ou (par exemple pour des non-Français) un autre rite, sans exclure la tradition romaine (avec des modifications). (…) Le souhait de certains d’avoir régulièrement à Paris notre liturgie orientale ou messe en langue française ne devrait pas non plus être négligé. (…) Nous ne voulons imposer à personne notre rite occidental sous quelque forme que ce soit mais nous laisserons ce choix à ceux qui viendront à nous. (…) Qu’on laisse ceux qui le désirent pratiquer le rite occidental. L’existence de l’Orthodoxie Occidentale a pour nous  une signification des plus profondes. Et c’est excellent pour les buts de la mission. Mais nous connaissons  aussi des penseurs et des théologiens auparavant non-orthodoxes, qui ont été attirés avant tout par notre rite oriental, où ils trouvent une profonde satisfaction religieuse.  » On peut constater par ces propos combien profondément le métropolite Serge, le seul à son époque, était concerné par le destin spirituel des Occidentaux, par la création d’une Orthodoxie locale et combien pénétrante était son intuition à cet égard.

        Après la mort de Monseigneur Winnaert survenue en 1937, quelques mois après son entrée dans l’Orthodoxie, c’est le Père Denis Chambault qui fut chargé de sa paroisse. Le père Denis vint habiter avec le Père Athanase et fut formé par lui au monachisme. Après sa mort, « le 5 Mars 1944, il prenait l’habit occidental, devenant ainsi le premier moine orthodoxe bénédictin depuis au moins six siècles  ». Lui aussi connu la pauvreté monastique : le métropolite Antoine raconte qu’il ne mangeait que lorsqu’il était invité chez quelqu’un. Par la suite la paroisse française fut transférée dans sa maison de la rue D’Alleray, où fut également organisé un petit monastère orthodoxe bénédictin, le prieuré Saint Denis et saint Séraphin de Sarov. Avec l’aide de moines bénédictins catholiques et des membres de la Confrérie, il se consacra à l’élaboration d’un rituel orthodoxe bénédictin qui lui permit de recevoir des professions monastiques . Il fut ordonné prieur après la guerre, en 1945. Il y eut alors jusqu’à huit moines, parmi lesquels le père Séraphin Rodionov , devenu plus tard évêque. Le père Serge Schevitch semble aussi avoir fréquenté la paroisse et la petite communauté, ainsi qu’à son retour du Mont Athos, le père Sophrony Sakharov.

        Malheureusement le monachisme bénédictin orthodoxe ne survécut pas à la mort du père Denis, survenue en 1965. Mais, plus fondamentalement, la visée réelle de la restauration de l’Orthodoxie occidentale était le retour, dans leur ensemble, de toutes les Eglises d’Occident dans le chœur des Eglises Orthodoxes, comme Lossky lui-même le laisse entendre dans le rapport de Juin 1937 . Plus que l’Orthodoxie occidentale elle-même, le moyen choisi par la Providence pour tenter d’y parvenir fut par la suite le développement d’une Orthodoxie « orientale » francophone ainsi que l’influence grandissante de la théologie et de la spiritualité orthodoxes, mieux connues par ce biais, sur les autres confessions.

 
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22/11/2003